Le roi des rats
Lorsque j'ai commencé à travailler, dans un foyer perdu au fin fond de la campagne picarde, j'ai rencontré un psychiatre qui s'appelait Mr Démant (pour un psy ça ne s'invente pas).
Lors de nos nombreuses discutions, il m' a expliqué qu'il avait conduit des expériences sur les rats.
Quand on réunit plusieurs de ces rongeurs, ils créent toujours un groupe divisé en 3 catégories pourvu qu'ils soient suffisamment nombreux.
Il y a le « chef » les « ouvriers » qui travaillent sous ses ordres, et enfin un « souffre douleur » qui effectue les taches les plus ingrates et les plus difficiles.
Si on rassemble plusieurs « souffre douleur » ou plusieurs « chefs » ils recréeront le même système social.
Ce n'est donc pas uniquement une histoire d' hérédité ou de facteurs génétiques.
Tous peuvent suivant les circonstances occuper différentes fonctions .
Le plus étrange selon lui c'est que lorsqu'on examine les rongeurs on s’aperçoit que celui qui subit le plus de stress et qui a l’espérance de vie la plus courte est le « chef ».
A toujours repousser les attaques de ses subordonnés il finira par y succomber, alors que le « souffre douleur » en bas de l’échelle n' éprouve aucun stress lié à sa position et même s' il subit des brimades physiques, il n'a rien à craindre pour « sa place » et en règle générale vit plus longtemps.
Il y a un an, j' ai assumé le rôle de responsable d'une équipe dans une maison de retraite, et quand j'ai vu le comportement de mes collègues à mon égard, je me suis rendu compte que je n’étais pas fait pour être le roi des rats.
Pour garder ma position de « chef » je ne me sentais pas prêt à ignorer les brimades que mes subordonnés infligeaient à certaines personnes atteintes d’Alzheimer juste pour me mettre en défaut et éventuellement prendre ma place.
Je suis parti plutôt que de jouer à leur guéguerre.
J'ai un peu plus faim maintenant, mais au moins je vivrai plus vieux...
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