Les tribulations d'un papa qui se prenait pour une maman

Quand j'étais petit, j'avais une toupie.

Ne me demandez pas où et quand, le souvenir est trop vague.

Je me souviens juste de son rythme.

Elle était couleur de noël, rouge avec des rayures vertes.

J’adorais actionner son ressort et la voir prendre de la vitesse.

Lorsqu'elle était au maximum de sa puissance,

Je la lâchais et la regardais détaller devant moi.

Tout d'abord elle bondissait, puis se stabilisait.

Alors elle déployait toute sa volonté à tourner.

Je ne trouvais aucune monotonie à son tourbillon.

Elle était belle et ses couleurs hypnotiques.

Elle se suffisait à elle même.

Son mouvement était rapide et volontaire.

Son métier était de tourner, alors elle le faisait avec élégance.

Son tournoiement me raconte une histoire

Où l’humilité est plus importante que la colère.

Où la haine est un poison pour le cœur.

Elle parle d'un pays gorgé de soleil

Dans lequel ma mère a vécu son enfance.

Elle avait la clé de mon école car elle était la maîtresse.

Je ne m'en faisais pas trop, elle faisait mes « lignes » quand j'étais puni.

Elle me donnait 5 francs chaque mois pour acheter Spider-man.

Son rire résonnait dans la maison lorsqu'elle avait des invités

Pour mes oreilles d'enfant, c'était la chanson qui m’aidait à m'endormir.

Quand elle est devant moi, je redeviens le p'tit blond de huit ans heureux

Qui assis à ses côtés regardait Borg sur la terre battue.

Depuis, chaque année, sur mon canapé face à Roland

Je suis les matches, la sentant à mes côtés.

Elle est un des soleils de mon enfance.

Mon rythme est plus lent que le sien,

Elle me paraît éblouissante.

Je n'ai jamais vraiment su emmagasiner sa puissance.

Elle donne son amour avec tellement de force

Que ça me dépasse et me submerge complètement.

Comment faire face à cette lumière, qui continue à tourner ?

Si je m’approche trop prêt, la quitter me fait mal.

Ça fait longtemps qu'elle tourne avec élégance,

Elle continue à vouloir m’entraîner dans sa ronde, mais elle ralentit.

Elle veut tant mon bonheur qu'elle tourbillonne vaillamment,

Et s'essouffle sans comprendre qu'elle à déjà fait son œuvre :

Elle m'a donné une graine qui a grandi dans mon cœur.

Patiemment je la transmets à mon fils.

Elle est pleine de ses valeurs, de sa douceur d'âme.

De son goût pour le beau et la fantaisie.

Si elle pouvait voir combien son amour me réchauffe,

Et comprendre pourtant qu'elle ne pourra pas toujours m’empêcher de tomber.

Toute sa volonté ne peut lutter contre les creux et les bosses de ma vie.

J'ai peur qu'elle s'épuise à tant essayer.

Car même si nous sommes très différent je l'aime tendrement.

Le jouet de mon enfance me fait penser à elle,

C'est sans doute pour ça que je l'aimais.

Ma toupie était légère, belle et dans ses mouvements

Je croyais parfois apercevoir la gaieté de ma mère.