Les tribulations d'un papa qui se prenait pour une maman

Les tribulations d'un papa qui se prenait pour une maman

Chapitre 5

Laurence nous a laissé l'espace qu'il nous fallait pour nous retrouver. Elle devait sentir mon angoisse. 

Je t’ai ramené à la maison en me posant plein de questions. 

Un mois cela n’était-il pas trop long pour toi? M’avais tu oublié? Allais-tu réclamer ta mère à corps et à cris? 

Nous avions une semaine pour nous retrouver avant de partir à Agen.

Rien de ce que je redoutais ne s’est produit. Tu étais curieux de ta nouvelle maison. 

Tous les matins, nous nous promenions dans les parcs, nous allions à pied au petit centre commercial au-dessus de la cité pour y acheter la nourriture de la journée. Nous longions les bâtiments à l’ombre des arbres et tu arrivais toujours à te faire acheter une sucette ou un bonbon à la boulangerie.

La semaine a passée très vite, comme passent les moments de bonheur. 

J’ai chargé la voiture sous ton regard intéressé et nous avons pris la direction des vacances. Nous avons voyagé de nuit pour que le chemin ne te semble pas trop long. Je voyais la France défiler devant moi tandis que Morphée t’avais pris sous son aile.

Au petit matin nous sommes arrivés chez mémé. Tu étais un peu désorienté de te réveiller à Agen, mais très content d’être là.

 

Pour mieux te raconter ton enfance il faut que je fasse le point sur la mienne.

 Oh! les choses ont bien changé depuis. Nous sommes beaucoup plus proches Mémé et moi, avec pépé musique nous avons enterré la hache de guerre. Ça a été un long processus mais nous avons trouvé un terrain d'entente un jour dans sa voiture en discutant sous les fenêtres de la chambre d'hôpital de mémé. mais encore une fois n'allons pas trop vite. 

Notre relation, depuis qu’elle s'était installée avec pépé, a toujours été très compliquée.

Mémé me sentait toujours perturbé je pense, mais ne savait pas comment réagir. 

Il faut dire que c’est un homme complexe et elle s’est toujours comportée comme une femme amoureuse, elle était dévouée entièrement à son « homme » et faisait tout pour que la présence de ses enfants ne le gêne pas.

Nous avons dû souvent, Nathalie et moi, nous faire discrets 

Elle nous demandait de faire des efforts pour être gentils, pour le respecter. C’était le “mâle dominant”. Je me rappelle de ses coups de gueule. Il imposait ses points de vue sur la vie sans écouter nos arguments car il était l’adulte et par conséquent avait raison.

Il y a une chose que je ne peux nier, il a toujours été là dans mes galères, et avec son air de ne pas y toucher a fait ce qu'il pouvait pour soutenir ma mère face à nos frasques à Nathalie et moi. Beaucoup en auraient fait moins. 

Je ne comprenais pas qu’il ne fasse pas preuve d’autant de tolérance avec nous, que mémé en montrait pour ses enfants. 

J’ai grandi avec une impression de rejet. Comme si ma sœur Nathalie et moi étions moins que ses enfants. Fatalement cela m’a fait me détourner de mémé. Je ne supportais plus que nous passions toujours après lui. 

Les moments de répit étaient les vacances. Nous allions chez Maman Ninou. Elle était le repère maternel. Nous passions nos vacances avec les cousins et ma cousine Carole, toujours ensemble tandis que les adultes nous laissaient dans ce monde dédié à l’enfance.

 

Nathalie et moi nous nous sommes rapprochés à l’adolescence, jusqu'à devenir inséparables. Nous faisions front ensemble. Face à cet étranger qui s’était installé chez nous et nous avait “volé” notre mère, nous étions unis dans le dégoût et le rejet de cette situation. 

Nous sommes partis de la maison assez vite. Elle enceinte après avoir loupé son bac, moi dès mon entrée à la pension, je ne revenais chez ma mère que pour poser mon linge et fuir chez Nathalie. Je revenais le dimanche soir pour récupérer mon paquetage et retourner vers l'internat. 

Nat était mon repère, l’endroit où je me sentais accepté. Il faut des années à un adulte pour réparer les blessures de l’enfance.



Lorsque nous sommes arrivés à Agen, cet été là, je n’avais pas encore fini de panser mes manques et ne me sentais pas réellement chez moi. 

J’y venais pour toi. 

Ce fut tes premières vacances d’été à Agen après la séparation. Tu as commencé à remettre du lien entre nous.

Il est possible que sans toi mémé et moi soyons resté éloignés plus longtemps. 

Elle t’a pris d’assaut de tout son amour. La mort de Nathalie lui avait déjà certainement fait comprendre le gâchis de toutes ces années. 

J’allais arpenter ce chemin moi aussi mais j’étais trop angoissé par ton avenir et n' y voyais pas encore très clair. 

Je ne pensais pas être prêt à retourner vers elle, à accepter mon enfance. Je me trompais car elle est devenue ta « maman Ninou » et a fait pour toi ce que ma grand mère avait fait pour moi. Elle a embelli ton enfance.

 

Vous vous êtes trouvé tous les deux. Le matin elle venait nous rejoindre vers huit heures, en général tu finissais ton “bibi”.

Elle descendait tel un éclair chercher du pain. Ensuite nous déjeunions tous les trois. Nous discutions de tout et de rien avant que pépé ne se lève.

Au milieu de ces grandes personnes “blablatant” tu tétais un bout de pain, et souriais à la vie. 

Vers dix heures nous partions au parc du “gravier” jouer au toboggan tandis que mémé allait au marché chercher le repas de midi. Pendant le repas, pépé musique te racontait des histoires, pouvant te faire rire aux éclats avec un pépin de pomme. Il s’était attaché à toi lui aussi et nous passions de bons moments. Parfois en fin d’après-midi, il te faisait écouter de la musique dans son bureau et te faisait danser. Nous étions loin des souvenirs pénibles de mon enfance. 

L’après-midi après la sieste mémé te prenait sous son aile et t’amenait au parc. Cela me permettait parfois d’aller faire une petite balade en ville. Je venais en général vous retrouver au parc car tu avais du mal à faire tout le chemin et tu étais lourd pour mémé. Je te mettais sur mon dos et tu criais “A dada sur mon papa !”. 

Après avoir partagé le « film du soir »avec mémé, je t’endormais avant d’aller parler avec Laurence sur l'ordinateur. 

Les journées passaient vite et le retour vers mon calvaire des semaines sans toi, des pleurs du vendredi se rapprochait. 

Les vacances s’étaient passées sans que les frustrations de mes jeunes années ne soit revenues. J’en étais très heureux et surpris. Je me mettais à penser que j’avais enfin commencé à retrouver ma place chez eux.





20/03/2015
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