Les tribulations d'un papa qui se prenait pour une maman

Les tribulations d'un papa qui se prenait pour une maman

chapitre 6

 

Retour vers le pire…

 

Le jour du retour était venu. Nous avions passé trois semaines idylliques et j’étais très angoissé à l’idée de rentrer. J’avais une boule à l’estomac et le cœur serré.  

Ce retour allait être encore plus difficile et lourd de conséquences que je ne l’imaginais.

Il fut le début d’une nouvelle période sombre. Celle-ci allait être entièrement de ma faute.

Nous étions partis depuis deux heures lorsque tu t’es mis à vomir, sans doute les virages pour aller à Brive. Je me suis arrêté au bord de la route et après avoir averti mémé de cette mésaventure et décidé de revenir sur Agen, je suis rentré dans un Carrefour, nous avons mangé et j’ai acheté de quoi te changer .

Puis contrairement à mes plans, je ne saurai te dire ce qui m'est passé par la tête, nous avons repris le chemin de Paris.

Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé cette nuit là, j'étais dans un état second.. Après l'accident, j’ai repris mes esprits à Blois dans le camion d’un transporteur étranger qui nous avait recueillis dans sa cabine. Je m'étais endormi sur l'autoroute. 

En attendant que ta mère arrive tu te blottissais contre moi. Nous avons patienté trois heures ainsi. Les gendarmes se sont montrés très compréhensifs, plus que je ne le méritais. Je commençais à comprendre ce que j’avais fait.  

Ma folie aurait pu te tuer. Il m’a fallu près de trois mois pour commencer à surmonter cet épisode.

Je ne peux penser à cet accident sans me souvenir d'un autre événement tragique de ma vie : la mort de Nathalie dans des circonstances quelques peu similaires à celles qui avaient failli nous coûter la vie. 

Ce terrible jour, j’ai reçu un coup de téléphone à deux heures du matin, sa voix était pâteuse, elle avait bu trop de whisky. J’ai réussi à comprendre qu’elle venait de téléphoner à notre grand mère paternelle pour lui demander de l'héberger..

 

« Mamie » (comme nous l’appelions) avait été prise de panique à cette idée. Elle avait la place pour l’accueillir, là n’était pas la question mais elle ne s’imaginait pas cohabiter avec ma sœur et ses trois enfants. 

Elle lui a répondu comme répondent les « vieilles gens » lorsque la situation leur échappe, elle a prétexté qu'elle ne trouverait pas de travail à Tarbes, comment allait t-elle subvenir aux besoins de sa famille? Cette idée la paniquait. 

Nous en avons discuté et Nathalie a fini par convenir que sa solution n’était pas la bonne.

Elle m’a expliqué qu’elle s’était disputée avec Jaques Ô (son compagnon de l’époque), qu’elle était retournée au domicile conjugal et ne savait pas trop ou elle en était. Elle m’a parlé de suicide et de lui pardonner si cela se produisait. Elle m’a aussi demandé de venir à Compiègne, car « elle n’allait pas bien ».  

Je n’avais pas d’essence dans la voiture et j’étais à la limite de mon découvert. Je ne pouvais donc pas venir la voir. Comme Mamie j'avais de bonnes raisons. Si j'avais su !

Nous avons parlé une heure de ses souffrances, de ses blessures, de la futilité de la vie, puis après lui avoir dit que je l’aimais et que je viendrais le lendemain, j’ai raccroché.  

C'est la dernière fois que j’ai entendu sa voix. Elle s’était tuée en voiture deux heures plus tard en allant vers Paris, à dix kilomètres de chez elle.  

Elle avait téléphoné à mémé pendant plus d'une heure après que nous ayons raccroché. Puis, était partie en voiture, manquant d’écraser mon beau frère, qui s’était précipité en slip dehors lorsqu’il avait entendu le bruit de la porte d’entrée.

Malheureusement il n'avait rien pu faire . 

J' ai vu les membres de ma famille faire leur deuil les uns après les autres comme ils le pouvaient sans y parvenir moi même...

Si seulement j'avais mis un peu d'essence dans la voiture !

 

Ces deux histoires n’arrêtaient pas de me tourmenter et je m'enfermais de plus en plus dans ma détresse, seuls les moments où tu étais avec moi me semblaient réels , le reste du temps je me complaisais dans ma « sacro-sainte » souffrance

.

La relation fusionnelle qu'entretenait Laurence avec son frère, me rappelait Nat et moi.

La vision qu'elle avait de l’éducation était en conflit avec la mienne. Tel était l'origine de nos maux. Nous n'avons pas pu les dépasser. Il y a eu de merveilleux moments. Je me souviendrai longtemps d'une soirée où perdu sur une plage corse seuls au monde nous avons été heureux.

Petit à petit les querelles s'intensifiaient. Elle ne trouvait pas sa place entre nous deux. Ses points de vues tranchés sur mon fils me rappelaient Lucien. Je lui opposais son frère et son omniprésence dans notre vie. C'était puéril et ça nous a permis de trouver des raisons à nos erreurs.

Les semaines où tu étais là, j'étais tendu, guettant la critique. Elle réagissait sur le manque de limites de mon éducation et me trouvait bien trop laxiste,

Trente ans plus tard, malgré ce que la vie m'a appris je me retrouvais devant la même porte à franchir que ma mère. Ballotté par la vie je devais choisir de l'ouvrir ou pas.

 

Il y avait d'un côté un amour d'homme avec tout ce qu'il comporte de partage, de complicité et d’épanouissement personnel, au sein du couple. De l'autre un amour paternel, construit sur mes espoirs et mes peurs.

Il n'y avait pas vraiment de choix...  

Je ne me suis jamais senti aussi proche de ma mère qu'à ce moment là. J'ai presque pris la même direction.

Des fois je les envie tous les deux d'avoir surmonté leurs querelles mais je ne pouvais pas, mon passé me l'interdisait.

 

 

 

Mary-Louise, une autre collègue de travail avec qui je m’entendais bien, était une femme de cinquante ans. Elle avait une fille souffrant de schizophrénie. Nous parlions de ses difficultés.

Je m’étais rapproché d’elle car son histoire me touchait particulièrement et je croyais qu’elle éprouvait du réconfort à nos discussions. 

Je n’étais pas « guéri » de la mort de ma sœur., de toutes les blessures qu'elle avait engendrées. D’ailleurs, le serais-je un jour ?

La détresse que Mary-Louise éprouvait pour sa fille m’émouvait. 



Laurence et Mary-Louise m’ont permis de continuer à avancer.

La semaine où tu étais là, Mary-Louise s'occupait de nous, Le reste du temps j'étais chez Laurence.

j'étais paniqué à l’idée que ta mère demande et obtienne ta garde. Le pire c’est que je n’étais plus sûr de mériter ton amour,

Dans cet état de confusion et de culpabilité je me demande encore comment j’ai réussi à passer ce cap.

Le fait que tu n’aies aucune séquelle de l’accident et que tu me conserves ton amour, m’a beaucoup aidé.

 

Durant trois mois elles se sont relayées pour nous amener et nous ramener au travail...



 



27/03/2015
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